Comme nous vous en avions informés (voir note CNAMS envoyée le 15 février 2022), la loi du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante, a notamment prévu la disparition progressive de l’EIRL au profit d’un régime juridique unique pour l’ensemble des entrepreneurs individuels en vue de leur offrir une meilleure protection de leur patrimoine personnel.

Selon ce nouveau statut, l’entrepreneur individuel sera titulaire de deux patrimoines séparés, l’un à titre professionnel, l’autre à titre personnel, et ce, sans aucune formalité à effectuer.

Ce statut entre en vigueur à compter du 15 mai 2022 et nécessite des précisions règlementaires pour être applicable.

Un décret du 28 avril 2022 précise d’une part, la composition du patrimoine professionnel au moyen d’une liste non exhaustive, et d’autre part, que les mentions obligatoires « entrepreneur individuel » ou « EI » doivent figurer sur les documents commerciaux.

Composition du patrimoine professionnel
Le patrimoine professionnel est composé des biens, droits, obligations et sûretés dont l’entrepreneur individuel est titulaire et qui sont utiles à son activité.Le décret du 28 avril 2022 dresse une liste non exhaustive des biens professionnels. Ainsi, sont considérés comme des biens utiles à l’activité professionnelle les biens qui servent à cette activité, notamment :

  • le fonds de commerce, et le fonds artisanal,
  • la marchandise, le matériel et l’outillage, ainsi que les moyens de mobilité pour les activités itinérantes telles que la vente et les prestations à domicile et les activités de transport ou de livraison,
  • les biens immeubles servant à l’activité, y compris la partie de la résidence principale de l’entrepreneur individuel utilisée pour un usage professionnel. Il en est de même pour les titres sociaux détenus par l’entrepreneur individuel dans une société qui est propriétaire de ces immeubles et qui a pour activité principale leur mise à disposition au profit de l’entrepreneur individuel,
  • les données relatives aux clients, les brevets d’invention, les licences, les marques, les dessins et modèles et, plus généralement, les droits de propriété intellectuelle, le nom commercial et l’enseigne,
  • les fonds de caisse, toute somme en numéraire conservée sur le lieu d’exercice de l’activité professionnelle, les sommes inscrites aux comptes bancaires dédiés à cette activité ainsi que les sommes destinées à pourvoir aux dépenses courantes relatives à cette même activité,
  • enfin, si l’entrepreneur est tenu d’établir une comptabilité, l’ensemble des éléments enregistrés sur les documents comptables, notamment ceux identifiant la rémunération tirée de l’activité professionnelle indépendante, sous réserve qu’ils soient réguliers et sincères et qu’ils donnent une image fidèle de la situation financière de l’entreprise.
Nouvelle mention « entrepreneur individuel » ou « EI »
A compter du 15 mai 2022, tous les actes et documents de l’entrepreneur individuel concernant son activité professionnelle devront mentionner sa dénomination accompagnée des mots « entrepreneur individuel » ou des initiales « EI ».Cette mention devra figurer, tout particulièrement, sur les factures, notes de commande, tarifs, documents publicitaires, correspondances et récépissés et, le cas échéant, sur le site internet. Il en sera de même pour chaque compte bancaire dédié à l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel.

A noter : le ministère de l’Economie a mis en ligne une fiche technique relative aux obligations en matière d’ouverture de comptes bancaires dédiés à l’entreprise ou à la société, à ne pas confondre avec un compte professionnel.

Renonciation à la protection du patrimoine personnel
Un décret du 12 mai 2022 précisé par un arrêté du 12 mai 2022 viennent compléter le dispositif en précisant les règles à suivre pour renoncer à la protection du patrimoine personnel, ainsi que la publicité à effectuer en cas de transfert universel du patrimoine professionnel.L’entrepreneur individuel peut en effet, pour un engagement spécifique, renoncer à la protection de son patrimoine personnel. L’acte de renonciation doit, à peine de nullité, contenir un certain nombre d’informations qui sont listées par le nouveau décret.

L’entrepreneur individuel et le bénéficiaire de la renonciation doivent apposer leur signature sur l’acte, ainsi que la date et le lieu. La signature peut être une signature électronique qualifiée. Un modèle type d’acte de renonciation est proposé par l’arrêté du 12 mai 2022.

Attention : l’entrepreneur individuel peut céder, donner ou apporter en société l’intégralité de son patrimoine professionnel, sans procéder à la liquidation de celui-ci.
Toutefois, le décret précise que les dettes de cotisations et contributions sociales ne sont pas comprises dans le transfert.

Pour que le transfert universel du patrimoine soit opposable aux tiers, le cédant (ou le donateur ou l’apporteur) doit publier le transfert par un avis au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC), au plus tard 1 mois après sa réalisation.
Les créanciers de l’entrepreneur individuel pourront former opposition au transfert dans le mois suivant la publication au BODACC.
L’avis publié au BODACC doit être accompagné d’un état descriptif du patrimoine comportant les informations suivantes :

  • la valeur globale de l’actif ;
  • la liste des sûretés dont bénéficie l’entrepreneur individuel et les montants des créances garanties par elles ;
  • la valeur globale du passif ;
  • la liste des biens du patrimoine professionnel grevés d’une sûreté et, pour chacun des biens concernés, la nature de la sûreté et le montant de la créance garantie.
Adaptation des formalités au RCS en raison de la disparition de l’EIRL
Comme expliqué précédemment, la création du nouveau statut unique de l’entrepreneur individuel a marqué la disparition progressive de celui de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL).
Depuis le 16 février 2022, il n’est déjà plus possible d’opter pour ce statut, et à compter du 15 août 2022, l’héritier de l’EIRL ne pourra plus poursuivre l’activité professionnelle à laquelle le patrimoine était affecté.La loi du 14 février 2022 n’a pas remis en question le maintien de l’affectation dans le patrimoine du cessionnaire, en cas de cession du patrimoine affecté à une personne physique (qui n’est pas un entrepreneur individuel). Mais lorsque le cessionnaire est une société ou un entrepreneur individuel, la cession entraîne le transfert de propriété dans le patrimoine de l’acquéreur sans maintien de l’affectation.

Un décret du 26 avril 2022 a actualisé les formalités qui en découlent auprès du registre du commerce et des sociétés (RCS).